
Joseph Champion est né à une heure du soir, le 15 octobre 1891 à Beaumont-en-Véron (37). Il est le premier enfant de Marie Léontine Aubergeon (sosa 31) et Joseph François Champion (sosa 30), qui se sont mariés quelques années auparavant, le 28 novembre 1888. Son frère Léopold naît ensuite en 1894, puis leur sœur Simone 10 ans plus tard en 1904. Les enfants grandissent à Beaumont, rue de Chamboizay, tout près du château de Coulaine. Joseph devient maréchal-ferrant avant d’être incorporé au 45e Régiment d’Artillerie à Orléans le 10 octobre 1912. D’abord classé dans la première partie de la liste, il passe dans le service auxiliaire le 31 janvier 1913 pour « perte d’un grand nombre de dents ». En mars 1914, il écrit à ses parents depuis l’infirmerie de la caserne, où il est soigné pour un début de rougeole :
Lettre de Joseph Champion à ses parents. Orléans, le 11 mars 1914
Orléans, le 11 mars 1914.
Chers Parents,
je vous écris ces quelques mots pour vous faire savoir de mes nouvelles et en même temps pour savoir des vôtres. Je suis rentré à l’infirmerie le 9 mars et j’y suis toujours, comme il est paru voilà à peu près 1 mois un ordre ministériel que tous les malades qui entraient à l’infirmerie en sortaient avec de la convalescence, en voilà déjà plusieurs qui sont sortis avec 10 et 15 jours de permission. Je compte sortir ces jours-ci avec probablement de la convalescence aussi. Si je pouvais avoir 10 jours de permission je serais bien content.
Enfin chers parents ne vous faites pas de mauvais sang pour moi ce n’est pas la peine. Je n’ai eu qu’un début de rougeole. Heureusement pour moi que je suis était à la visite au bon moment parce que il y en a déjà pas mal qui en sont morts. Tous les jours il en meurt une moyenne de 3 par jour à l’hôpital. On en a enterré un l’autre jour de la batterie, c’était mon camarade de lits. Il avait 20 ans c’est un bleu de la classe 13 et tous les jours il en meurt. Il est mort à la suite d’une broncho-pneumonie.
Je ne vois pas grand chose à vous mettre pour le moment. Je vais beaucoup mieux que j’allais, c’est le principal. Je commence à manger. J’espère que dans 2 jours d’ici je ne serai plus à l’infirmerie enfin si je m’en vas en permission vous me prendrai.
Je termine ma lettre en vous embrassant tous de tout cœur.
Votre fils pour la vie, Joseph Champion au 45e régiment d’artillerie, 3ème batterie, quartier Châtillon, Orléans, Loire
Récrivez moi de suite
193 et la fuite [?]

Mais la guerre éclate à l’été 1914. D’après sa fiche matricule, il reste d’abord à l' »intérieur » (c’est à dire à la caserne, mais pas au front). Le 1er octobre, il passe dans la réserve de l’armée active.
Orléans, le 17 décembre 1914
Chers parents,
Je fais réponse à votre lettre qui m’a fait plaisir de recevoir de vos nouvelles. Vous me dites que j’étais en prison, il ne faut pas vous faire du mauvais sang pour ça, parce que au régiment il ne faut pas faire grand chose pour y aller. Tout le monde y va, il n’y a pas un soldat qui n’est pas puni, à la batterie on est déjà plusieurs qui y sont. Il y en a un qui a 30 jours, un qui a 60 jours. A présent je n’irai probablement pas en permission, je n’y compte pas, il ne faut pas m’attendre. En tous les cas si j’y vas, vous prendrez [?]. Maintenant pour les chaussettes je vous remercie naturellement, seulement du moment que je vous ai écrit que je les avais reçues, cela voulait tout dire. Je ne vois plus rien à vous dire, je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Joseph Champion soldat au 45e régiment d’artillerie Quartier Châtillon, Orléans, Loire
J’ai reçu votre lettre avec le mandat dedans
Orléans, le 21 décembre
Chers parents,
Je vous écris ces deux mots pour vous dire que je vais en permission pour 5 jours, j’arriverai demain soir, vous pourrez m’attendre. Je n’ai pas grand chose à vous dire pour le moment. Je suis en bonne santé et je désire que vous soyez de même. Pour le moment, ce qui s’est passé à la caserne, je vous raconterai en permission.
Je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Votre fils pour la vie
Joseph Champion, soldat au 45e régiment d’artillerie, 3e batterie, Orléans, Loire
Joseph ira plus tard à Melun, où il s’occupera des chevaux malades et blessés.
Melun, le 3 janvier 1915
Chère petite soeur,
je suis très content de ta petite lettre que tu m’as envoyée. Je suis très heureux de te savoir en bonne santé. Voilà encore un 1er de l’an passé, il faut espérer que l’on ne le passera pas l’année prochaine comme cela. L’on ne peut rien dire, la guerre n’est pas finie.
J’ai reçu les 5Fr de la grand’mère, cela m’a fait bien plaisir, parce que l’on en a toujours besoin. J’ai écrit à Léopold pour le 1er de l’an, il ne m’a pas fait réponse. Je crois bien que c’est inutile que je lui écrive, c’est un saligaud, il ne connait pas le régiment, mais il faut espérer qu’il l’apprendra. Je ne lui souhaite qu’une seule chose, c’est qu’il parte, le plus tôt possible.
Maintenant, je t’envoie dans cette lettre le menu que l’on a pour le 1er de l’an, mais malheureusement ça ne dure pas longtemps.
Je ne vois pas grand chose à te dire, c’est que les étrennes n’ont pas été fortes, je n’ai encore reçu que 5Fr.
Je termine ma lettre en t’embrassant de tout cœur, ainsi que papa et maman.
Ton frère qui t’aime.
Joseph Champion au 5e escadron territorial de Dragons. 2e peloton à Melun, Seine-et-Marne.
Melun, le 6 janvier 1915
Chers Parents,
je vous envoie ces deux mots pour vous donner de mes nouvelles et en même temps pour savoir des vôtres. Je me trouve surprenant que vous ne m’ayez pas écrit pour le 1er de l’an, qu’il n’y a que Simonne. Pour le moment il n’y a pas grand chose de nouveau, il nous arrive encore 80 auxiliaires pour soigner les chevaux. Ce n’est pas de trop, l’on a du travail. Il faut voir ce que c’est, on ne peut pas se le figurer de voir tous les chevaux blessés. Les étrennes n’ont pas été fortes, je n’ai reçu que 10F de mon Oncle Gerberon, il me l’a envoyé vers le 1er Décembre, cela fait déjà un moment, et 5F de la Grand-mère. C’est que l’argent s’en va vite, on a beau y faire attention, une pièce de 20 sous ne va pas loin il faut bien la compter pour la fournir.
Je ne vois pas grand chose à vous dire pour le moment. J’ai écrit à Léopold pour le 1er de l’an, il ne m’a pas fait réponse.
Je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Votre fils pour la vie.
Joseph Champion au 5e escadron territorial de dragons, 2e peloton à Melun, Seine-et-Marne
Il est classé dans le service armé sur sa demande à partir de mai 1915 : il arrive au front le 6 mai 1915. Il ira à Bourges pour apprendre la manœuvre du canon de tranchée : le « crapouillot« .

Bourges, le 5 août 1915
Chers parents,
Je profite d’un petit moment pour vous écrire car de ce moment on a pas de temps à perdre. On est à Bourges pour faire l’instruction du crapouillot*. On va partir la semaine prochaine dans les tranchées. Si vous pouviez m’envoyer un peu d’argent pour partir sur le front.
Ce n’est pas le rêve d’aller dans les tranchées.
Je ne vois plus rien à vous dire pour l’instant. Je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Votre fils pour la vie, Joseph Champion au 45e régiment d’artillerie en subsistance au 1er d’artillerie, 75e batterie, Bourges, Cher.
Il passe au 1er Régiment d’Artillerie le 19 août.
Vendredi 5 novembre 1915
Chers parents,
Je fais réponse à votre lettre que je reçois aujourd’hui, qui me fait plaisir d’apprendre de vos nouvelles. Votre lettre a mis 6 jours pour venir. Je vous avais écrit pourtant le jour même que je les ait reçues. Seulement si les lettres mettent aussi longtemps pour aller comme pour venir, ça demande du temps. J’ai ma patronne qui m’a envoyé de l’argent voila un mois, je ne l’ai encore pas reçu, cela dépend des secteurs, il y en a qui vont plus vite les uns que les autres. Vous me dites que Léopold est revenu à Châteauroux, il en a de la chance. Enfin sur ce que je vois il n’ira jamais à la guerre, il y en a toujours des embusqués, pendant que l’on est sous la mitraille pour se faire tuer d’une minute à l’autre, il y en a qui sont embusqués, qui se nourrissent bien pendant que nous on a pas grand chose à manger. Il y a déjà pas mal d’évacués pour la Typhoïde à la Bastine [?]. Pour moi je suis malade depuis huit jours et cela ne m’empêche pas de remonter à la tranchée de première ligne dimanche matin. Malade ou pas malade, il faut marcher jusqu’au bout, pendant que ces messieurs sont à l’abri des balles ou restent chez eux. Comme je vous disais sur la dernière lettre, et s’il y avait des gens qui s’occuperaient un peu de ces choix là, je crois en ces gens là, fort et ferme comme ils le sont, ils partiraient, du moment qu’ils n’ont jamais été soldat et cela ne leur ferait pas de mal. Et en surplus de cela, c’est déjà des gens qui sont assez riches et qui ont des biens, et c’est nous qui sommes obligés de défendre leurs biens et eux restent chez eux. Pour tant la loi Dalbiez en a soulevé beaucoup de chez eux, mais pas encore assez. Pour les chaussettes, ce n’est pas la peine de m’envoyer de la laine, car les chaussettes ne se déchirent pas, j’ai encore cette chance là.
Je vais écrire à Léopold en même temps qu’à vous, ce soir. Je ne vois plus rien à vous dire pour le moment, je remonte à la tranchée dimanche matin pour 4 jours.
Je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Votre fils pour la vie.
Joseph Champion au 1er régiment d’artillerie, 118e Batterie de 58e, 4e pièce, secteur Postal n°127
Si vous me renvoyez un colis, ce que je vous recommanderais ça serait de m’envoyer des harengs, car il y a des copains qui en reçoivent et je [?] bien car je les aime.
Tu diras bonjour à [?], tu lui diras que je suis en Champagne à 25km de Reims. Je suis dans le bas du plateau de Craonne. Regardez sur la carte vous verrez où je suis.
Il quitte le front le 6 décembre 1915.
Il passe quelques temps au dépôt de Lagny (Seine-et-Marne) :
Lagny, le 19-1-16 :
Chers parents,
je fais réponse à votre lettre qui m’a fait bien plaisir de recevoir de vos nouvelles, et en même de vous savoir en bonne santé. Pour moi c’est toujours la même chose, j’ai était voir le [?] hier, pour qu’il fassent ma demande, alors dans 10 à 12 jours, je partirai pour Noizy-le-Sec pour m’y faire poser l’appareil, et dans un mois tout au plus, je serai de retour au front, car depuis que je suis au dépôt, je commence sérieusement à m’ennuyer. Je suis obligé de rester enfermé pendant que les copains vont s’amuser en ville, et en moi je me met la ceinture, alors je suis bien content de repartir sur le front, parce que là bas on n’a pas besoin de sortir, quoique si l’on veut boire un coup de vin, on a tout de même besoin d’argent. En maintenant, sur le front c’est comme dans les villes. Maintenant, je vais à coté de Paris, vous pourriez l’avenue de Pinant en la demandant à l’oncle Barenger. J’ai reçu des nouvelles de mon oncle Aubergeon, on est- pas bien loin l’un de l’autre. Il m’a écrit voilà deux jours, ils sont très heureux, ils posent des rails de chemin de fer. Vous me dites que [?] est venu vous voir pour prendre de mes nouvelles, j’en suis très content et si vous le revoyez vous lui direz merci de ma part. Vous me parlez des marraines, pour moi je n’ai pas de marraine, mais n’en a pas qui [?], et puis ça m’est égal, quand je suis sur le front je fais mon devoir, et puis je ne demande que ça. Maintenant que je suis partit des dépôts, ça ne me plaît plus d’y rester, pour Jean Leroy il y avait toujours le temps de se marier, car il ne sait pas ce qu’il peut y arrivait, enfin s’il en revient, tant mieux pour lui. Si il [?] sa fera encore une [?] de plus. J’ai reçu des nouvelles de mon oncle Gerberon, avec 5+ il me dit que les cousins Bauché en ont de la chance, ils se sont vu à trois en permission. Je n’ai pas grand chose à vous mettre pour le moment. Ce qui m’embête le plus c’est que je n’ai pas encore reçu de nouvelles de ma patronne, c’est qu’elle m’a envoyé de l’argent sur le front et je ne l’ai pas reçue et je paris que cette elle m’en a envoyé depuis le 1er de l’an que je n’ai encore rien reçu. Je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Votre fils pour la vie
Joseph Champion au 1er Régiment d’Artillerie au dépôt d’éclopés à Lagny, Seine-et-Marne.
Le 16-2-16
Chers Parents,
Je vous écris ces quelques mots pour vous donner de mes nouvelles et en même temps pour vous donner ma nouvelle adresse. Je suis revenu à Château-Thierry depuis hier, pour me faire mettre l’appareil, et dans 20 jours d’ici, je l’aurai, ça va vite. Nous sommes arrivés 16 d’un coup et l’on fait 5 appareils par jour et demain on nous prendra l’emprunte. Je tombe sur un bon ouvrier, pour me faire photographier seul, je n’ai pas eu le temps car je partais le lendemain et où je suis il n’y en a pas, mais il y en a de prévu. Pour mon camarade et sa femme, ce sont des gens qui vivent à Courbevoie à coté de Paris. Je n’ai pas grand chose à vous mettre pour le moment, je termine ma lettre en vous embrassant de tout cœur.
Votre fils pour la vie
Joseph Champion au 1er Régiment d’artillerie à l’Hopital d’évacuation N°11, annexe N°3, secteur N°3
Il retourne au front le 12 mars 1916, où il reçoit la Croix de Guerre quelques mois plus tard car il « s’est signalé par sa belle attitude au feu pendant la journée du 25 avril ».
De gauche à droite : Médaille militaire, Croix de Guerre, Médaille interalliée 1914-1918 et Médaille commémorative de la guerre 1914-1918 (Merci Brigitte pour la photo !)
Il est tué à l’ennemi le 3 septembre 1916, au combat de Fouquescourt dans la somme, à la position de Batterie située route de Maucourt à Fouquescourt (partie ouest).

Un camarade à lui, Ernest Job, écrit alors un lettre à ses parents :
Courrier d’Ernest Job aux parents de Joseph Champion
Le 6 septembre 1916
Monsieur Champion,
Je vous écris ces quelques lignes pour vous donner de mes nouvelles qui sont bonnes pour moi et je profite d’un petit moment pour vous donner des nouvelles de votre fils qui aujourd’hui a donné son sang pour défendre le pays et comme ça a toujours été un grand camarade pour moi je peux vous dire qu’il a gagné la Croix de Guerre au bois des buttes par son courage et aujourd’hui il a fait voir son courage à l’attaque de la Somme. Je peux vous dire Monsieur Champion et à toute votre famille que vous pouvez être fier de votre fils malheureusement pour vous le Capitaine ne voulait pas qu’il monte aux tranchées mais il avait des camarades aux tranchées il a fait pour réponse qui voulait faire voir son courage avec son camarade Joubin. Enfin Monsieur Champion qu’il a été tué le 2 septembre à midi et je vous dirai que l’on a fait une petite somme d’argent pour votre fils. Je vous dirai que c’est moi son camarade Ernest Job j’ai fait mes 2 ans de service à Orléans avec lui et on a parti ensemble au front.
Monsieur Champion je me joins à toute la famille pour le camarade. Je vous prierai Monsieur Champion de me faire réponse mais ne dites rien parce que je me ferai punir. Je vous salue. Voici mon adresse : Monsieur Ernest Job au 1er d’art. 110me batterie de 58 S-P N 168
Il sera également décoré de la Médaille Militaire :

Enfin, pour terminer ce long article de blog, voici un long article de journal (littéralement, il a été découpé et scotché en une longue bande !) publié à l’occasion des funérailles de Joseph Champion :
24 novembre 1921, Beaumont-en-Véron
Obsèques de deux braves. — Vendredi matin ont eu lieu les obsèques de deux enfants de la commune tombés au champ d’honneur : Joseph Champion, soldat au 1er Régiment d’Artillerie de campagne, décoré de la Croix de guerre et de la Médaille militaire et Charles Fié, soldat au 77e Régiment d’Infanterie.
La levée des corps par le clergé se fit à 9h à la gare d’Avoine-Beaumont, devant une affluence déjà nombreuse de parents et d’amis venus de tous les points de la commune et des communes voisines.
Les cercueils couverts de fleurs et de couronnes sont portés par d’anciens combattants, camarades des défunts. Quand le cortège qui s’est considérablement grossi en cours de route arrive sur la place de l’église il est vraiment imposant.
Dans le cimetière M. Deschamps, maire, entouré des membres du conseil municipal, de MM. Suard, conseiller général; Bruneau, conseiller municipal de Chinon; Lecomte, ancien instituteur, secrétaire de la mairie de Beaumont; etc., etc. prononce le discours suivant :
Mesdames, Messieurs,
il y a quelques mois nous conduisions à ce champ du repos, un soldat de l’armée territoriale mort pour la France. Aujourd’hui ce sont deux jeunes que nous recevons, deux qui débutaient dans la vie, qui pouvaient espérer une longue carrière, à qui l’avenir souriait, promettant force, santé, et par conséquent joie et bonheur. Hélas ! dans la grande catastrophe, ces jeunes furent naturellement placés au premier rang et comme tels, exposés à toutes les fatigues, à toutes les souffrance, à tous les périls. Marches pénibles, nuits blanches par tous les temps, vie déprimante des tranchées, angoisse des veillées d’armes, attaques sanglantes, ils connurent tout ce que peut endurer un être humain au physique et au moral, jusqu’au jour où un obus meurtrier vînt consommer le sacrifice suprême en les fauchant plein de jeunesse.
Champion Joseph, soldat de la classe 1911, était encore au 45e d’Artillerie à Orléans, quand éclata la guerre en 1914. Il faisait partie alors du service auxiliaire ; mais, classé dans le service armé en 1915, il partit à Bourges pour apprendre la manœuvre du canon de tranchée.
Reconnu apte, il fut envoyé au front rejoindre ses camarades. Il débutât à Reims et à Soissons, pris part aux sanglants combats du plateau de Craonne et resta assez longtemps dans l’Aisne, à Château-Thierry, à Lagny, au bois-des-Buttes. Le 1er septembre 1916, les Allemands ayant attaqués nos alliés les Anglais près de Ginchy dans la Somme, ceux-ci, écrasés par un violent bombardement et décimés par cinq assauts successifs, abandonnèrent leurs premières lignes. Mais les jours suivants la bataille reprit de plus belle et s’étendit au front français voisin.
Champion se trouvait dans ce secteur et prit part le 3 au combat de Fouquescourt. Réfugié avec sa compagnie dans un abris renforcé, pendant le bombardement, il était impatient de répondre aux ennemis, de leur rendre coup pour coup. Méprisant le danger non disparu, oubliant la mitraille qui pleuvait encore trop fréquemment, il sortit témérairement avec un camarade pour aller à son canon : un obus arriva brusquement et les tua tous les deux à l’entrée de l’abri. Ce valeureux soldat a été ainsi la victime de sa bravoure, de son impatience de combattre. Ses chefs, qui le connaissaient bien, lui on décerné, en récompense, deux citations : la croix de guerre et la médaille militaire.
1ère citation à l’ordre du Régiment du 21 mai 1916 : « Champion Joseph, s’est signalé par sa belle attitude au feu pendant la journée du 25 avril »
2ème citation avec Médaille militaire : « Champion Joseph, bon canonnier d’artillerie de tranchée, ayant toujours fait preuve de bravoure et de courage. Tué à son poste de combat le 3 septembre 1916, à Fouquescourt (Somme). »
Le deuxième de nos héros, Fié Charles, devenu orphelin de bonne heure, avait grandi dans la maison de ses grands-parents à Beaumont, et embrassé la profession de sa famille. C’était un cultivateur comme on en rencontre beaucoup, c’est -à-dire travailleur et tranquille, jouissant de l’estime générale et faisant la joie des siens.
Arriva la terrible catastrophe de 1914. Fié vit partir son frère, ses amis, ses voisins. Il entendit raconter la savante retraite de notre armée, la célèbre victoire de la Marne et la guerre de tranchées. Soldat de la classe 1916, au 77ème Régiment d’Infanterie, quand son entraînement militaire fut terminé, Fié prit à son tour une place au front pour permettre aux plus âgés, fatigués, de se retirer à l’arrière. Comme tous ses camarades, rempli d’ardeur et toujours de bonne humeur, il combattit le long de nos lignes pendant 18 mois, prenant part à bien des combats, surtout à la Côte 304, si tristement connue, mais d’où il s’échappa cependant sain et sauf. Enfin on l’envoya dans le Nord, avec les Anglais et c’est dans une tranchée, à Zuydoote, que le 15 mai 1918 il reçu trois blessures graves par éclats d’obus. Transporté dans un hôpital temporaire il y mourut quelques jours après pendant qu’on l’opérait.
Braves enfants de Beaumont qui avez tant lutté, tant souffert et qui, finalement avez donné votre vie héroïquement pour la Patrie, nous vous garderons à jamais notre reconnaissance. Votre dévouement sublime a sauvé notre contrée de la honte et des souffrances de l’invasion. Avec tous vos compagnons d’armes vous avez opposé aux légions ennemies le rempart infranchissable de vos poitrines. Hélas ! Si l’honneur français est encore intact, si nous sommes encore libres, indépendants, si le monde entier respire un peu actuellement, nous l’avons payé cher ; le nombre de nos héros disparus pour toujours est immense et l’affliction de beaucoup de famille est inconsolable. Que le recueillement de cette nombreuse assistance, que les regrets et la reconnaissance qui nous animent tous , soient du moins un adoucissement à la douleur des familles Champion, Fié et Daveau.
Soldats héroïques, morts pour la France, au nom de tous les habitants de Beaumont, je vous salue profondément et je vous dit : Adieu !
Les assistants vivements impressionnés par le discours de M. Deschamps défilent devant les deux familles en leur donnant des signes de leur profonde sympathie.
Nous adressons en cette pénible circonstance à M. et Mme Champion et à leurs enfants ; à M. Daveau, grand-père de Charles Fié et à sa famille nos bien sincères condoléances.
NOS MORTS
La famille Champion de Coulaine vient d’être avisée de la mort glorieuse de l’aîné de ses enfants, Joseph, deuxième canonnier servant au 1er Régiment d’Artillerie, tombé sur le front de la Somme, le 2 septembre, à l’âge de 25 ans.
Joseph Champion, écrit un de ses camarades, est mort en brave. Voyant ses meilleurs amis partir aux tranchées de première ligne pour lesquelles il n’avait pas été désigné, il sollicita avec tant d’insistance auprès de ses chefs la faveur de les accompagner qu’il y fut autorisé. C’est ainsi que le brave artilleur de tranchées trouva une mort des plus glorieuses.
Quelques temps auparavant, Joseph Champion avait été cité à l’ordre de la Division et avait reçu la Croix de guerre.
Nous envoyons un souvenir ému à la mémoire de ce brave enfant du Véron, et nous adressons nos sincères condoléances à sa famille.